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Prise de vue de la représentation de Louise de Gustave Charpentier (1900), au festival d’Aix-en-Provence 2025. On y voit un homme et une femme assis côte à côte sur un banc dans un décor de théâtre faiblement éclairé. L'homme, aux cheveux noirs et à la barbe, porte une chemise blanche aux manches retroussées et un pantalon foncé. La femme, aux longs cheveux roux, porte une robe blanche volumineuse, évoquant une robe de mariée, avec une longue traîne flottant sur le banc. Ils se tiennent la main et se regardent avec intensité. Le sol de la scène est en damier, et des roses rouges sont éparpillées à leurs pieds. L'arrière-plan, composé de fenêtres closes en bois, contribue à l'atmosphère dramatique. Les silhouettes des spectateurs sont visibles au premier plan.

Privée de liberté… et emprisonnée par votre aveugle tendresse qui s’imagine que je puisse être heureuse à vivre ainsi qu’une captive dans l’âge où, sans la liberté, la vie. » Louise, du haut de ses 17 ans, hurle contre ses parents pour revendiquer le droit d’aimer Julien et de quitter la maison ainsi que sa vie de couturière, afin de rejoindre le poète bohème. L’amour des parents n’est rien d’autre que de l’égoïsme, lui souffle son prince dont elle est éperdument amoureuse.

Ce premier opéra français du XXe siècle, composé par Gustave Charpentier, célèbre l’invention de l’adolescence. La fin du XIXe siècle voit en effet émerger le concept d’adolescence tel que nous le concevons aujourd’hui. Avec l’avènement de l’ère industrielle, bientôt suivie de celle de l’information, les campagnes se vident : les jeunes affluent vers les grandes villes, vers une capitale qui fait rêver. À travers ces vagues successives, la jeunesse montante revendique sa liberté et sa place : « Vous avez assez vécu ! place ! place ! nous n’avons plus besoin de vous ! nous ne voulons plus de maîtres ! »

L’adolescence est née et, avec elle, ce besoin d’identification aux pairs, nécessairement en rupture avec les référents parentaux vécus comme des arbitres de l’émancipation. La vie est nécessairement ailleurs, hors des murs du foyer familial, hors de la campagne, et au plus près des lumières de la ville. Le poète et la vie de bohème deviennent alors l’idéal à atteindre.

Les parents, décontenancés, regardent avec désarroi leurs enfants qui, soudainement, ne leur appartiennent plus. Le père refuse de laisser partir sa fille ; la mère, quant à elle, jalouse les velléités d’émancipation de cette dernière. Louise court après une chimère : non pas l’amour de Julien, sincère bien que passionné et exalté, mais le rêve de devenir une célébrité parisienne, la « Muse de Montmartre ».

Le 2 février 1900, l’Opéra-Comique présente pour la première fois cette œuvre, inaugurant ainsi le thème récurrent de la crise d’adolescence, dont les répliques vont résonner tout au long du XXe siècle. L’écho du cri final du père — « Ô Paris !!! » — ne cessera dès lors de se répercuter jusqu’à nos jours.

Merci au Festival d’Aix-en-Provence et au regretté Pierre Audi d’avoir remis sur le devant de la scène cette œuvre si éclairante sur notre époque.

Photo : Prise de vue de la représentation de Louise de Gustave Charpentier (1900), au festival d’Aix-en-Provence 2025.

Giacomo Sagripanti (direction musicale), Christof Loy (mise en scène), Etienne Pluss (scénographie), Elsa Dreisig (dans le rôle de Louise), Adam Smith (dans le rôle de Julien, le noctambule).

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